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Un article de l’édition web de Marianne s’amuse à dénoncer avec une mauvaise foi qui repousse les limites de la bêtise le soi-disant formatage auquel s’adonnent les grandes écoles. Cette « plongée dans la fabrique des élites » est le témoin ahurissant d’une forme d’idéologie obscurantiste et partisane qui, sans le savoir, favorise encore plus la reproduction sociale.
Une méthodologie contraire à l’éthique
Avant même de s’intéresser au fond de l’article, posons-nous quelques instants sur la méthode employée pour réaliser « l’enquête » sur laquelle s’appuie l’auteur. Abandonnant d’emblée tout soupçon d’éthique journalistique, qui viserait à réunir des faits avant de se former une opinion, Marianne part d’un postulat idéologique selon lequel les grandes écoles inviteraient leurs candidats à devenir des suppôts de l’ultralibéralisme. Partant de sa conclusion, il cherche ensuite à réunir des preuves, aussi faiblardes soient-elles, pour étayer son opinion.
On se retrouve donc avec un article fleuve où la mauvaise foi et l’imprécision sont les deux plus gros arguments utilisés. L’auteur liste des sujets d’annales tombés à différents concours (Sciences Po, ENA, Commissaires de Police, HEC, etc.) et les interprète à sa façon. Dans les 15 exemples qu’il a ressortis (tirés de 5 ou 6 types de concours, dans différentes matières et sur plusieurs années), il essaie de trouver la marque d’un crypto-libéralisme éhonté et une volonté d’influencer les candidats par la formulation des sujets.
Les sujets de concours n’ont pas d’idéologie
En dehors de son procédé largement discutable, cet article démontre surtout une profonde méconnaissance du fonctionnement des concours et de ce qui est demandé des candidats. En effet, la première chose que l’on demande à un bon candidat est de remettre en question la formulation d’un sujet. Dans un sujet comme « Quelles justifications pour les privatisations ? », on ne cherche pas à faire dire aux candidats qu’il faut absolument privatiser. On leur demande de revenir sur l’histoire économique, sur les raisons qui ont poussé les Etats à privatiser dans certaines situations et à nationaliser dans d’autres.
On leur demande également de réfléchir à ce que dit la théorie économique sur le sujet. Les candidats peuvent donner leur avis mais une bonne copie est en général une copie bien équilibrée, qui présente les différents courants de pensée sur une question et les remet en perspective par rapport à la situation actuelle, sans idéologie.
Voir dans la formulation des sujets de concours un outil de propagande idéologique est un contresens absolu. Les sujets sont d’ailleurs souvent formulés de façon provocante ou éventuellement partisane pour piéger un candidat trop naïf.
Un obscurantisme idéologique qui favorise la reproduction sociale
De manière plus générale, cet article participe d’une forme d’obscurantisme idéologique qui vise à stigmatiser les grandes écoles, à dénoncer les élites et à faire un faux procès en propagande libérale à ce système éducatif. Ce faisant, Marianne accrédite l’idée selon laquelle la voie de la prépa est l’apanage des étudiants issus de milieux favorisés. L’impression que les jeunes sortant des grandes écoles sont formatés ne vient pas, comme l’auteur tente si misérablement de le démontrer, d’une volonté insidieuse de ces dernières mais bien plutôt du fait que la plupart sont issus, dès l’origine, du même milieu.
Pour combattre cela efficacement, il ne faut pas pondre ce genre d’article consternant, il ne faut pas colporter l’idée que la prépa et les grandes écoles sont réservées à une élite. Il faut au contraire populariser ces voies, faire un travail de sensibilisation pour que les enfants issus de milieux modestes croient en leurs chances et tentent l’aventure.