/image%2F0179068%2F20141204%2Fob_26fbe6_prepa-hec-reformes-notes.jpg)
Ca faisait un petit moment qu’on n’avait pas eu un bon débat comme ça dans l’éducation, où la mauvaise foi et l’idéologie bas-de-plafond se rejoignent dans une formidable et grotesque cacophonie. Et tout ça autour d’une proposition de réforme qui semble vraiment anecdotique. On a bien ri. Maintenant, décryptons.
La proposition de Najat et du CSP
Le CSP (Conseil Supérieur des Programmes) a proposé de remplacer le système de notation actuel, jugé stigmatisant et décourageant par un certain nombre de sachants de l’univers de l’éducation, par une « évaluation bienveillante ».
L’idée derrière cela serait que la notation sur 10 ou sur 20, telle que pratiquée actuellement, découragerait les élèves qui ont de mauvaises notes. Plongés dans une spirale négative, ils seraient poussés à l’échec scolaire.
Le principe n’est pas nouveau. Edgar Faure, ministre de l’Education de Charles de Gaulle en 1969 avait déjà tenté de passer une réforme de ce genre. Et la question de l’évaluation à l’école est une sorte d’arlésienne, régulièrement stigmatisée, notamment par les tenants de méthodes d’enseignement alternatives.
On supprime les notes mais on fait quoi à la place ?
C’est là qu’on commence à rigoler. Les solutions proposées s’inspirent largement de ce qui se fait déjà ailleurs. On cite l’Allemagne (qui note de 1 à 6), les Etats-Unis (qui notent de A à F) ou encore la Finlande (où la plus mauvaise note possible est… 4/10 !).
En entendant ça, Luc Ferry a immédiatement réagi d’un cinglant « C’est stupéfiant de niaiserie ». Pas très subtil, certes, mais la formule a le mérite d’être amusante. A l’époque d’Edgar Faure, le Général de Gaulle avait accueilli l’idée avec flegme et un sens de la formule au moins aussi nuancé : « C’est organiser la submersion définitive de l’université par la médiocrité. »
Le pugilat est lancé. Le Snalc (Syndicat national des lycées et collèges) est outré et en profite pour mettre 2/20 au CSP (pour l’encre et la présentation). De son côté, le FCPE (principale fédération de parents d’élèves) milite simplement pour l’arrêt complet de toutes les notes avant le lycée. Bref, tout le monde cherche à être constructif.
Ca changerait quoi, franchement ?
C’est certes drôle de s’envoyer des parpaings au visage mais essayons, l’espace d’un instant, d’élever le débat. Le problème de la notation est-il vraiment essentiel ? Doit-on vraiment croire qu’une note sur 20 est plus stigmatisante qu’une note en lettres ou sur 6 ? Est-ce qu’on peut ne pas sourire en entendant que la note la plus basse est 4/10 en Finlande ?
Le constat qui a mené à cette recommandation du CSP est celui que les élèves français sont malheureux et s’enferment dans des spirales d’échec dont ils n’arrivent pas à s’extraire, découragés par un système qui leur parait trop élitiste. Ce sont Vincent Peillon et les tests PISA qui le disent. Soit.
Quoi qu’on pense du constat en question, la réforme des notes s’attaque au symptôme et pas à la cause. Si les élèves sont stressés par leurs résultats, ce n’est pas parce qu’ils ont peur d’avoir 4/20 plutôt que F mais bien plutôt à cause de l’attitude du professeur qui attribue la note en question.
On ne disputera pas que l’enseignement à la française a une petite tendance à l’élitisme. Cela a ses bons côtés et ses mauvais. Mais si l’on décide de réduire cette tendance, changer le barème de notation n’est certainement pas la réforme prioritaire. Modifions plutôt la formation des professeurs, les programmes, la philosophie de l’enseignement français.
Ces annonces ridicules et les débats navrants qui s’ensuivent ne font que polluer la réflexion et la perte de temps qui en résulte est pénible, à la longue.